Ne pas vouloir réellement guérir

Nous étions en séance, elle et moi.

Une femme que j’accompagne depuis quelques semaines.

Elle me parlait de toutes les restrictions qu’elle s’impose depuis des années.

Des aliments qu’elle évite. Des quantités qu’elle réduit. Des règles qu’elle suit à la lettre.

Et moi, en tant que thérapeute et coach sportive, je lui expliquais ce que ça fait, concrètement, dans le corps.

Pas dans les croyances. Pas dans les “on dit”.

Mais dans la physiologie réelle.

Je lui ai parlé du métabolisme qui ralentit.

Des hormones qui se dérèglent.

Du corps qui se met en mode survie.

Des maladies silencieuses qui s’installent.

De la perte de masse musculaire.

De la fatigue chronique.

Du stress biologique permanent.

Puis je lui ai posé cette question, doucement, mais sans détour :

Et qu’est-ce que vous ressentez, là, au fond, quand je vous dis que pour maigrir… il faut manger ?”

Elle a baissé les yeux.

Un long silence.

Et puis elle a dit

"Oui, je le sais… ça me fait peur. Et je crois qu’au fond, je préfére rester grosse .

Certaines seront choquées.

D’autres auront le cœur serré pour cette femme.

Et puis il y aura celles qui recevront un électrochoc.

Parce que ce qu’elle a dit, je l’entends souvent en consultation.

Sous des formes différentes, mais avec la même racine.

"Je veux maigrir pour ma santé."

"Je veux être plus à l’aise quand je m’assois."

"Je veux me sentir mieux dans mes vêtements."

Mais très peu réalisent que pour perdre du poids durablement, il ne suffit pas de vouloir.

Il faut oser vivre ses peurs, les regarder en face.

Il faut déconstruire toutes les règles qu’on s’est imposées pour survivre.

Il faut poser des actes nouveaux, concrets, incarnés.

Et surtout… il faut accepter de changer d’identité.

Sortir de cette zone de confort — même si elle est douloureuse, même si elle détruit — c’est un pas immense.

Parce que cette zone, on la connaît.

Elle est familière.

Elle est parfois notre seule sécurité.

Et parfois, ce n’est pas qu’elles ne sont pas prêtes.

C’est qu’au fond, elles ne veulent pas aller mieux.

Pas parce qu’elles aiment souffrir.

Mais parce que “aller mieux” voudrait dire changer profondément.

Remettre en question des années de protection, de survie, d’identité.

Et ça, c’est vertigineux.

Aller mieux, ça veut dire oser vivre sans l’armure.

Sans les kilos qui protègent.

Sans les règles qui rassurent.

Sans les habitudes qui anesthésient.

Et pour certaines, cette idée est plus insécurisante que la douleur qu’elles connaissent déjà.

C’est là que le travail peut commencer.

Pas un travail de transformation spectaculaire.

Pas un plan d’action.

Pas une injonction à changer.

Juste… un espace.

Un espace où elle peut être entendue.

Un espace où elle peut dire “j’ai peur” sans qu’on lui réponde “allez, courage”.

Un espace où elle peut rester là, dans son corps, dans son histoire, sans qu’on la pousse à en sortir.

Mon rôle, ce n’est pas de proposer des solutions.

Ce n’est pas de la convaincre de changer.

C’est d’être là.

De répéter, encore et encore, les mêmes vérités simples.

De lui tendre un miroir sans jugement.

De lui rappeler qu’elle n’est pas seule.

Et que même si rien ne change tout de suite — même si rien ne change pendant des années — elle reste digne d’être accompagnée.

Parce que parfois, le seul changement possible, c’est de ne plus être seule avec sa douleur.

Et ça, c’est déjà immense.

Previous
Previous

Parce qu'il y a des moments où la vie s'arrête.

Next
Next

De l’hypersexualisation à la sexualité consciente : et si on changeait de regard ?